Les chroniques romanesques de Jean Giono ont ceci de particulier que le tragique y occupe une fonction philosophique essentielle. En effet, le tragique dépasse les limites thématiques et frôle des dimensions métaphysiques, en invitant le lecteur à réfléchir sur l’essence de la violence comme un élément structurant du récit. De Langlois à Thérèse, le parcours narratif des personnages ne cesse d’avancer vers la fatalité, à travers la violence, pour dénoncer ainsi la tragique condition de la nature humaine. La violence devient une loi et le tragique est alors nécessaire. Comment alors le mécanisme de la crise sacrificielle parvient à dévoiler l’impossible utopie dans le commerce des hommes, le désir mimétique augmentant sans cesse la rivalité entre eux. Cette crise sacrificielle nous renvoie à la théorie de René Girard que nous sollicitons pour apporter quelques éléments de réponses à notre problématique. Un roi sans divertissement sera soumis à une approche philosophique où sera abordé le retour du tragique comme une nécessité épistémologique de l’écrivain moderne. Il en résulte que l’utopie soit nécessairement tragique. Elle ne sera donc possible que si on cesse de désirer les mêmes choses. Enfin, ce sont les passions les plus sincères qui rapprochent l’homme de la démesure, d’où la fonction suprême qu’accorde Giono au tragique. C’est sa catharsis intellectuelle qui seule amènera l’homme, par la force de sa volonté, à reconnaître la victime, et à ne pas être la victime, par le biais du divertissement et de la tentation du sublime. Dans ce sens, l’analyse des types et des fonctions du tragique, ainsi que le mécanisme de la crise sacrificielle dans cette chronique dévoilent une stratégie d’écriture moderne où le tragique immanent permet d’annoncer l’impossible utopie